Moishe Mana, l’homme aux mille vies
- Camille Colloch
- 23 févr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 mars
SÉRIE SPÉCIALE ABROAD. Arrivé aux États-Unis comme plongeur, Moishe Mana originaire d’Irak est aujourd'hui à la tête d'un empire immobilier et culturel à Miami. De Wynwood à Downtown, il réinvente les quartiers et tisse des ponts entre les Amériques et l'Europe, avec en point d'orgue un projet dédié à la communauté française. Portrait d’un entrepreneur hors normes, entre ambition sociale et amour du terroir.

Oubliez le cliché du promoteur avide de gratte-ciels sans âme. Moishe Mana se définit d’abord comme un homme « curieux », passionné par l’art, l’histoire et la philosophie. Celui qui a commencé comme simple plongeur dans les rues de New York a bâti un parcours singulier, une story telling à l’américaine : logistique, mode, art, technologie… et aujourd’hui, un véritable empire immobilier entre Wynwood et Downtown Miami.
Sa vision ? Créer des espaces qui font sens, où « business et culture » s’entrelacent. « Quel est l’intérêt du pouvoir si tu ne le mets pas au service d’une cause ? », confie-t-il, lucide.
Wynwood, du no-go zone à l’épicentre culturel
Lorsque Moishe Mana débarque à Miami, le quartier de Wynwood fait peur : criminalité galopante, désert culturel. « On n'y allait pas. C’était une zone sinistrée », se rappelle-t-il. Inspiré par son expérience de revitalisation du Meatpacking District à New York, il imagine un transfert d’âme : « On va déplacer South Beach à Wynwood. »
Discrètement, il achète de multiples terrains. Il relance le quartier avec des événements de mode, de musique et d’art, injectant chaque année plusieurs millions de dollars uniquement pour l’animation du quartier, bien au-delà de ses propres propriétés.
Le déclic ? « Le jour où j’ai vu deux filles marcher en jupe à minuit dans les rues. J’ai su qu’on avait réussi. » Aujourd’hui, Wynwood est devenu un hub culturel et technologique incontournable, un quartier où l’énergie créative attire startups, artistes et jeunes entrepreneurs.
Downtown : « la Silicon Valley de l’Amérique Latine »
Mais l’homme ne s’arrête pas là. À Downtown Miami, Moishe Mana possède 72 immeubles. Son objectif : créer un écosystème de travail et de vie, où se croisent bars, logements abordables, showrooms de mode et espaces collaboratifs. « Notre but est de créer un hub global reliant les Amériques et de bâtir l’économie de demain. »
Sa conviction ? L’avenir passe par le collectif. Avec son organisation ManaTech, il attire des startups de toute l’Amérique latine, de l’Europe et d’Israël. « À Miami, elles trouvent un marché de 700 millions de consommateurs. » Et le quartier devient peu à peu « la Silicon Valley de l’Amérique Latine », propice aux levées de fonds et aux collaborations.
Le Pavillon français : un écrin hexagonal en Floride
Parmi ses projets phares : un espace dédié à la culture française. Sur l’emplacement d’un ancien magasin de bijoux, il rêve d’un « bâtiment à l’identité française » de 2 000 m².
L’idée ? Rassembler gastronomie, art et produits tricolores. « La nourriture relie les gens avant même la culture, sourit-il. J’adore la communauté française, dynamique et ambitieuse. Grâce à Corine Busson-Benhammou (aujourd’hui French Tech Miami et anciennement directrice de la French Tech Angers) et Annabelle Ballot-Pottier (FACC Florida-Miami), nous avançons, mais il reste beaucoup à faire pour faire venir plus de Français et les aider à s’implanter. C’est aussi une manière d’aider la France en retour. »
Moishe Mana mise sur l’attractivité du savoir-faire français pour enrichir la vie locale. Boulangerie, galerie, événements… Il voit dans ce pavillon un point d’ancrage fort pour la communauté française de Miami, portée notamment par la dynamique de la French Tech Miami et la chambre de commerce franco-américaine de Floride (FACC Florida-Miami).
Anecdote de l’entrepreneur qui observe le trottoir
Quand certains investisseurs ne jurent que par les skylines, lui regarde les trottoirs. « On ne vit pas dans les gratte-ciels. On vit dans la rue. » C’est pourquoi ses projets accordent une importance capitale aux espaces publics : piétonisation, lieux de rencontre, animation culturelle... Pour lui, la réussite d’un quartier se mesure à la qualité de vie qu’il offre à hauteur d’homme.
« Pas le temps de rêver, il faut faire »
À ceux qui lui demandent s’il vit le rêve américain, Moishe Mana répond par une pirouette : « Dites-moi ce qu’est le rêve américain, et je vous dirai si c’est le mien. » À 65 ans passés, il préfère parler d’action que de songes. « Plus de temps pour rêver. Ce qui compte, c’est ce qu’on fait. Si c’est juste faire de l’argent, ce n’est plus suffisant. Le monde change, les problèmes sont globaux : intelligence artificielle, ingénierie humaine, cyberattaques, crises écologiques… Aucun pays ne peut les régler seul. Fermer sa porte ne protège pas sa maison. »
Et à Miami, Moishe Mana fait. Et refait. Pour que la ville devienne bien plus qu'une carte postale ensoleillée, un véritable carrefour mondial où se croisent cultures, affaires et innovations.
Pour plus d'informations sur les activités du groupe ManaTech, c'est par ici.
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